• UNE DES NOMBREUSES LEGENDES


    DE SAINT NICOLAS





    Ils étaient trois petits enfants
    qui s'en allaient glaner aux champs.
    Ils sont allés et tant venus
    que sur le soir se sont perdus.
    Ils sont allés chez le boucher :
    - boucher, voudrais-tu nous loger ?



    - Entrez, entrez, petits enfants,
    Il y a de la place assurément.
    Ils n'étaient pas sitôt entrés
    que le boucher les a tués.
    les a coupés en petits morceaux
    et puis salés dans un tonneau.



    Saint Nicolas au bout de sept ans
    vint à passer dedans ce champ,
    alla frapper chez le boucher :
    - boucher, voudrais-tu me loger ?
    - entrez, entrez Saint Nicolas.
    Il y a de la place, il n'en manque pas.



    - Du petit salés je veux avoir
    qu'il y a sept ans est au saloir.
    Quand le boucher entendit ça,
    bien vivement il se sauva.
    - Petits enfants qui dormez là,
    je suis le grand Saint Nicolas.



    Le grand Saint étendit trois doigts,
    les trois enfants ressuscita.
    Le premier dit : « j'ai bien dormi. »
    Le second dit : « et moi aussi. »
    « Je me croyais au paradis »
    A ajouté le plus petit.


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  • Le poète




    Avant je circulais dans la vie, un amour
    douloureux m'entourait: avant je retenais
    une petite page de quartz
    en clouant les yeux sur la vie.
    J'achetais un peu de bonté, je fréquentais
    le marché de la jalousie, je respirais
    les eaux les plus sourdes de l'envie,l'inhumaine
    hostilité des masques et des êtres.
    Le monde où je vivais était marécage marin:
    le fleur brusquement, le lis tout à coup
    me dévorait dans son frisson d'écume,
    et là où je posais le pied mon coeur glissait
    vers les dents de l'abîme.
    Ainsi naquit ma poésie, à peine
    arrachée aux orties, empoignée sur
    la solitude comme un châtiment,
    ou qui dans le jardin de l'impudeur en éloignait
    sa fleur la plus secrète au point de l'enterrer.
    Isolé donc comme l'eau noire
    qui vit dans ses couloirs profonds,
    de main en main, je coulais vers l'esseulement
    de chacun, vers la haine quotidienne.
    je sus qu'ils vivaient ainsi, en cachant
    la moitié des être, comme des poissons
    de l'océan le plus étrange, et j'aperçus 
    la mort dans les boueuses immensités.
    La Mort qui ouvrait portes et chemins.
    La Mort qui se faufilait dans les murs.


    Pablo Neruda

    (extraits: Chant général, Les fleurs du Pinataqui, p.381
    Gallimard, Collection Poésie.)

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  • I



    Corps de femme, blanches collines, cuisses blanches,
    l'attitude du don te rend pareil au monde.
    Mon corps de laboureur sauvage, de son soc
    a fait jaillir le fils du profond de la terre.



    je fus comme un tunnel. Déserté des oiseaux,
    la nuit m'envahissait de toute sa puissance.
    pour survivre j'ai dû te forger comme une arme
    et tu es la flèche à mon arc, tu es la pierre dans ma fronde.



    Mais passe l'heure de la vengeance, et je t'aime.
    Corps de peau et de mousse, de lait avide et ferme.
    Ah! le vase des seins! Ah! les yeux de l'absence!
    ah! roses du pubis! ah! ta voix lente et triste!



    Corps de femme, je persisterai dans ta grâce.
    Ô soif, désir illimité, chemin sans but!
    Courants obscurs où coule une soif éternelle
    et la fatigue y coule, et l'infinie douleur.



     



     



    photo : Christian Coigny


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  •  


    La vie qu'il donne est belle


    Si demain il m'appelle


    Sitôt j'irai vers lui


    Qui la rend eternelle


    En lui disant merci.


    Si enfin il me dit


    Tu dois rester aussi


    Un autre grand merci


    Surtout pour me laisser


    Quand même achever


    Ce qui n'est pas fini


    Oter le gris de votre vie!


    Chasser la poussière


    Vous montrer la lumière!


    Je vous ai donné toute ma vie


    Un jour vous devrez me la rendre


    Quand il sera las de m'attendre.


    Alors, je dirai, je suis prête,


    Plus rien vers Toi ne m'arrête.


    Pardon pour mes défaillances


    Je crois en ta Bienveillance


    Etends là sur ma descendance


    Et au père de celle-ci,        


    Pour tout cela merci

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