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Dans un petit jardin
Pas plus grand qu'un bassin
ou plutôt qu'une bassine
Il y a une glycine
Qui court sur la clôture
Faite d'un long et vieux mur.
Le jardin en friche
Complètement s'en fiche.
L'herbe monte aux genoux
Au sol, les capucines
S'emmêlent et se nouent
Sur les pierres et les cailloux.
Le jardin en prison
Qui a pour horizon
Et unique raison
Les toits de deux maisons,
Apreçoit les saisons,
Le soleil vagabond
Dans le soir rouge et brun
Mon jardin sent le thym
Et puis le romarin.
On marche sur le plantain,
On arrache quelques brins
De ses feuilles satins.
Farouchement, les roses
Multicolores, s'éclosent.
Des papillons s'y posent
Longuement se reposent
Puis s'en vont sur un lys
En frôlant les iris.
Il y a la verveine
Soignant les maux et les peines,
Dont la senteur des veines
Imprègne de toute part
De son parfum bizarre
De citronelle rare.
Un coin d'hortensias,
Une bordure de thuyas
Et de blancs pétunias
Tendrement encombrent
Un espace sombre
Et noyé dans l'ombre.
Sur une marche un lézard
Venu à tout hasard,
Rapidement inspecte
Vite, en tournant la tête
En cherchant les insectes
Dont il se délecte.
Enfin, loin de la ville
Tout est calme et tranquille.
Par les herbes, envahi,
Sous le soleil qui rit,
Le jardin s'assoupit
Solitaire, insoumis
Lumière des Ombres
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Elle était fort déhabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d'aise
Ses petits pieds si fins, si fins.
- Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, - mouche ou rosier.
- Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s'égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.
Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : "Veux-tu en finir !"
- La première audace permise,
Le rire feignait de punir !
- Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
- Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : "Oh ! c'est encor mieux !...
Monsieur, j'ai deux mots à te dire..."
- Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D'un bon rire qui voulait bien...
- Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Arthur Rimbaud2 commentaires
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LUMIERE DES OMBRES...
Par JulesKebla,
Nous savons avec quels mots riment vos lois
Et de quels maux vos crimes briment nos droits...________________________
Là, d'un rêve, d'un vers s'ouvre l'univers libre...
Et vous le voyez bien que je ne le suis pas;
Des pleurs de mon peuple, toute mon âme vibre...
La justice ici-bas n'est pas en équilibre
Mais nous savons avec quels mots riment vos lois...
Et de quels maux vos crimes briment nos droits...
Vous dites que la paix viendra après la guerre
Mais dans la guerre, c'est la faux qui fait la loi
Et le sang innocent crie ses droits sur la terre
Où l'on paie nos morts pour sucrer notre misère:
C'est pourquoi dans leur paix, nous n'avons point foi!
En ces moments où j'ai perdu toute ma force,
Ne puis-je pas chanter l'hymne à la liberté?
Toute protestation est pour l'État l'amorce
D'une bombe faite pour noircir notre écorce:
Car du sort des pauvres, ils tirent leur fierté!
Tous les mensonges que, pour nous sortir du gouffre,
Vous dites, font de nous ces pauvres bataillons
Qui crèvent plus de faim au front destin d'un cafre!
Que des tirs ennemis... dites pourquoi l'on souffre?
O vous qui jouissez de nous voir vivre en haillons!
Notre malheur, c'est que l'on croit ce que vous dites:
Et nous savons que de ces mots viennent nos maux
Car, par des tours qui du faux masquent les limites,
Vous parlez de telle manière qu'à la suite,
On attend que la chair repousse sur nos os...
Et lorsque enfin tombent les lueurs vespérales,
Nulle étoile n'orne la nuit dans les ciels bleus
Vos beaux mots, pour calmer nos furies cérébrales,
Sont trop impurs devant les âmes ancestrales
Qui soufflent dans nos coeurs: Débout! Soldats de Dieu!...
Photo : Andrew Dunbarr2 commentaires